L’art de LU Linrong emploie les moyens traditionnels de la peinture chinoise : papier chinois et encre. Mais sous la joliesse des courbes, l’équilibre confortable des formats ronds que cette artiste investit, c’est de la condition de ses compatriotes et des femmes en générale dont elle nous entretient. Nous découvrons comme des fenêtres rondes ouvertes sur des jambes, des seins, des courbes sensuelles … Mais aussi de longs cous, de petites têtes rondes, des créatures hybrides. Il y a des fourrures, des poils que l’on devine soyeux … Des appels à de douces caresses … Mais, de cet univers, sourd comme une légère inquiétude, l’emploi des couleurs noire et rouge y contribue sûrement mais pas seulement. Il y a chez LU Linrong une appétence pour cette douceur mais aussi un refus de la torpeur et de la violence sous jacente que cette quiétude dissimule. Comme un regard ouvert sur l’ambivalence des sentiments.
Yvan LE BOZEC
avril 2103
Un jour, un moine bouddhiste dit à une jeune fille que les personnes cédant trop aux plaisirs de la chair seraient, dans leur prochaine vie, réincarnés en oiseau. Elle fut tout d’abord troublée par cette nouvelle, puis elle observa les oiseaux sur les branches, dans le ciel, et l’idée lui parut rapidement séduisante. Voler toute la journée, construire son nid au printemps venu, chanter d’une voix mélodieuse ; être un oiseau, c’est ne jamais se trouver en esclavage et profiter d’une enviable liberté sauvage.
Indomptable, le motif de l’oiseau se répète régulièrement dans le travail de l’artiste LU Linrong. Elle représente des animaux fabuleux composés de parties animales et humaines. Têtes d’oiseau, seins de femme, courbes de hanche, sexes féminins ou masculins, escargots, lapins, appendices, étranges cocons allongés, écailles reptiliennes, poils, griffes et plumes se mélangent pour donner vie à des chimères de papier. De la pointe de son pinceau teinté d’encre de Chine, l’artiste dessine des formes qui s’entremêlent avec volupté. L’œil est attiré par ces lignes sinueuses ainsi que par les couleurs attrayantes qui éclatent çà et là comme des foyers de lumière. Le spectateur s’approche, poussé par la curiosité et découvre un univers inquiétant, des yeux le fixent intensément, semblent l’interpeller, le questionner.
Les créatures hybrides de LU Linrong sont la retranscription en dessin des pulsions qui nous gouvernent, nous contrôlent et nous animent. Elles sont aussi des hommages à la femme sous ses aspects multiples : douceur, fécondité, sensualité ; mais aussi cruauté, violence et sourde inquiétude. L’artiste fait référence à la difficulté d’être née femme en Chine. Là-bas, comme ailleurs, l’influence de la morale est très forte, tout ce qui trait au corps est tabou, et les sentiments sont fortement intériorisés. Lu Linrong, par le pouvoir envoûtant de ses dessins, fait de la femme une souveraine, forte et puissante, magnétique et extraordinaire.
Emmanuelle Cannavo
Mai 2017